jeudi 19 avril 2012

Une histoire triste

 Mariane, c'est pour toi. Je t'avertis par exemple, c'est une histoire triste.

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"Mon père est mort cette nuit."

C'était presque l'incipit de L'Étranger de Camus: Aujourd'hui, maman est morte.

Sauf que c'était pour vrai de vrai et que ça sortait de la bouche du meilleur ami d'Arno.

Il l'a dit en zieutant mon plancher, en grimpant maladroitement sur mon fauteuil. Il avait un genre de sourire malaisé. La face de quelqu'un qui sait pas trop comment dealer avec ça.

J'ai passé ma main dans son épaisse crinière blonde.

"Pis j'ai juste 9 ans."

Le papa de JD était en chaise roulante. Une fois, j'ai voulu savoir les causes de son état, mais JD m'a répondu sèchement qu'il n'en savait rien. Je n'ai pas insisté.

JD avait déjà fait le deuil d'un papa à quatre pattes qui joue les poneys pour lui. Le deuil d'un papa qui amène fièrement fiston à son travail. Le deuil d'un papa qui coure pour faire voler un cerf-volant.

Un nouveau deuil à faire pour JD.

Le lendemain, petit bonhomme est venu passer la journée à la maison. J'ai délesté sa maman, débordée par les centaines de choses à faire lorsque la mort débarque avec ses grands sabots.

Les gars ont joué à être des gars, par un samedi plein de soleil. Jeux vidéos, se prendre pour des chevaliers, faire des légos, aller au parc en vélo, rire, manger des popcycles au raisin, engueuler le p'tit frère qui suit partout.

Sa maman est venue le chercher vers 16h.

JD a enfilé ses souliers. Des souliers plein de trous, qui bouffent des camions. Sa maman s'est penchée vers eux. On va aller t'acheter des souliers.

Une crise.

Une grosse crise pas belle.

Dehors, j'entendais JD pleurer et crier avec fougue. J'ai regardé par la fenêtre.

JD était assis par terre, au beau milieu de mon allée. Sa mère dépassée, par les évènements tentait de l'enlacer, de lui faire comprendre que bordel, ce ne sont que des souliers.

Elle a fait ce geste propre aux parents exaspérés. Celui de balancer les bras dans les airs en disant "ben reste là". S'éloigner doucement en espérant que l'enfant suive. Mais JD ne suivait pas.

Et je voyais ce drame à deux niveaux se jouer devant ma maison.
JD pleurait-il vraiment ses souliers?
Je ne crois pas non.

Dans les yeux de sa maman, le découragement.

1 commentaire:

Fast Food Fred a dit...

C'est clair que les souliers étaient un cadeau du papa. Triste. Pauvre garçon.

Je m'amuse le plus possible avec fiston et j'essaie d'être le moins con possible parce que je ne sais jamais ce qu'il peut m'arriver.